costumes

 

   Lors d'une création de costumes, je fonde toujours ma recherche sur deux impératifs: le sens et le corps. Le costume est évidemment un outil de narration, il permet de définir le personnage, de l'inscrire dans une réalité propre au spectacle. Grâce au costume, on détermine des groupes, des accords et des répulsions, on marque aussi la temporalité du spectacle, l'évolution de ses personnages.

   Selon la discipline (théâtre, danse, cinéma...), le costume est plus ou moins clairement narratif, il peut être réaliste, poétique ou symboliste. Mais quel que soit le rôle qu'on lui attribue dans un projet de mise en scène, le costume doit selon moi avant tout être "juste". Pour trouver cette justesse, je pars toujours du corps de l'interprète. Je ne peux pas imaginer un costume sans avoir regardé son interprète, l'avoir vu marcher, parler, rire... Si le costume est la peau du personnage, le corps en est la chair et le travail d'interprétation, l'ossature.

   Une fois que je réussis à opérer cette symbiose entre le corps réel et le corps fictionnel, qui me permet d'obtenir la silhouette, mon travail se fonde surtout sur des associations symboliques simples. La force évocatoire d'une matière, la fluidité d'une ligne, l'énergie d'une gamme colorée sont des informations d'ordre sensuel, elles permettent d'indiquer sans avoir à démontrer. Elles sont aussi selon moi plus accessibles à tous que les données culturelles, historiques ou sociales.

   Les couleurs surtout ont un langage riche. Vous pourrez constater à travers les photos des spectacles auxquels j'ai participé que j'utilise généralement une gamme colorée assez restreinte, jouant sur des nuances au sein d'une même couleur ou sur une tonalité générale, souvent issue de teintes de la nature. C'est la raison pour laquelle je crée la plupart de mes couleurs, en teignant les tissus avant la coupe. Même quand j'utilise des vêtements du commerce, je retravaille presque toujours les couleurs. Outre un principe d'unité visuelle, cela me permet d'éloigner le costume du quotidien, de lui créer une identité spécifique à la scène.

Car je pense qu'au théâtre il faut, comme le disait Peter Brook, "trouver un autre artifice que le réel pour atteindre le vrai".